vendredi 17 juillet 2009

Rebondissement



Une caisse de Super8 achetée l'année dernière à la braderie de Lille. Je suis là, à wazemmes, et sur le mur de ma chambre apparait des images du "territoire", des paysages connus... le mémorial de Bruille Saint Amand, j'y suis passé avec "les joyeux godillots" de Mortagne du Nord à l'époque j'écrivais une texte, fiction, autour du géant de Mortagne, Tutur L'oziau pour ne pas le nommer, la nouvelle s'appelle "L'Anoure toujours l'Anoure", un projet de La Pluie d'Oiseaux.
Cette résidence sur le "territoire" m'a fourni un bâton de cristallisation, sur lequel tout rapport (x/y)  vient se greffer... et qu'il est impossible d'arrêter, de délimiter en terme d'action... le livre "Empreintes et métamorphoses" sur le bassin minier et édité chez Ouest France l'année dernière, pour moi est également lié à cette résidence, sans elle je n'aurais pu écrire la majorité des textes en toute connaissance de cause, du terrain...

En octobre, une série d'événements clotureront cette résidence qui devait durer 4 mois, et qui finalement m'a tenu quelques années... Toutes les traces de mon lien avec le "territoire" seront présentées à Mortagne, à l'école d'art itinérante... une sorte de point, punctum, tel une recherche sur la toile avec deux mots clés "vazemsky + territoire concerné".

Cette résidence a créé un lien spécial avec une zone délimitée, comme une façon de cristalliser une pensée, avec ses travers habituels (la mienne), se figeant sur un espace, un terrain spécifique. Un territoire, de fait. Accueillant mon corps, mouvant et scripteur. Les traces laissées par cette rencontre formant une géographie subjective du lieu. Une géo-graphie. Ou "géo" bataille avec "égo". L'égographie d'un lieu.

Un leurre. "Devenir transparent. Devenir machine."
Un corps passeur, posant toujours sa frontière, sa tessiture percevant le sujet.
Sujet d'étude versus Sujet scruant.

jeudi 16 juillet 2009

done!


(clic sur image, agrandissement commandé...)

voilà le voyage fut fait, des confins du territoire aux confins d'un autre territoire, des marais de Vred à la confluence, lorsque la scarpe rejoint l'escaut à mortagne... trois jours de canoë, sans rencontrer aucune embarquation, un vrai bonheur... j'étais Tom Sawyer, plus que Stevenson. En attendant la suite, voilà un panoramique après l'écluse de Warlaing.... j'ai touché le "Wild" souvent, que je cherchais... dans ce tiers paysage, délaissé, abandonné, où la Nature a repris le dessus... sur une désolation industrielle, les signes d'activité dépassée marquent encore le paysage, avec leur beauté nostalgique de ruines, de grandeur déchue, je suis seul, pagayant, dans les lentilles d'eau obstruant la percée aisée... un couple de cygnes me défie, ailes relevées claquant sur l'eau, protégeant quatre cygnons gris cendrés...

mercredi 8 juillet 2009

Démarque inconnue...



Le gros du travail est là, en préparatifs, vernir le canoé, poncer, préparer les sacs, choisir, effacer et occulter les marques, je ne suis pas un panneau publicitaire; je fais le choix de ce qui passe ou ne passe pas par moi: une tente sur laquelle on lit en gros "quéchua", je suis contre, j'aurais l'impression d'être un colon publicitaire au beau milieu d'une nature vierge de mots.
Je peux par contre raviver d'autres références, mes marques, à moi... Jim Harrison, "Théorie et Pratique des Rivières", je vous montrerai l'intérieur du livre en vidéo dès que faire se peut...
Ce soir, poser mes marques se fait par l'occultation d'autres marques, le caviardage au feutre permanent d'un logo, le collage d'une bande unie d'adhésif sur chaque nom de magasin, le retournement des sacs pour voir les coutures plutôt que l'enseigne au nom d'améridien.
Le tout en écoutant James Taylor, "A man and his dog", j'avais oublié que, sur la pochette, il était sur une barque...

Imminence présente...


Le voyage a commencé. Tonkinois. C'est la marque du vernis. Une référence. Pour moi. En entrainant d'autres. Gabin et son Yang-Tsé, en noir et blanc. Je fouille dans les rayons du grenier. Près du lit, non. Dans la bibliothèque au fond, oui. Voilà, "Un singe en hiver", Antoine Blondin. Le voyage a commencé. Et ici commence comme ça. Incipit... "Une nuit sur deux, Quentin Albert descendait le Yang-tsé-kiang dans son lit-bateau: trois mille kilomètres jusque l'estuaire, vingt-six jours de rivière..."
Et me voilà parti, détourné... ""quand on ne rencontrait pas les pirates, double ration d'alcool de riz si l'équipage indigène négligeait de se mutiner." Détourné. Du droit chemin de ma pensée. Je ne la contrôle pas. Je pourrais réduire les voiles. Arrêter Neil Young dans l'air qui ponctue les stances de Blake lues par Depp... "The whole creation will be consumed and appear infinite and holy Where as it now appears finite and corrupt This will come to pass by an improvement of sensual enjoyement But the first notion that man has a body distinct from his soul is to be expunged"... Détourné par un singe en hiver, une canonière remontant le Yang-tsé-kiang, une barque portant le corps de William Blake traversant l'espace sépia devant mes yeux. Détourné, je voulais juste dire le voyage a commencé. Le vernis appliqué. C'est lui qui fermera les interstices ouvert par le temps entre les lames de bois que la main de l'homme a joint il y a très longtemps. Le canoé est ancient. L'age de ma grand-mère peut-être. Avant l'écriture du Singe en Hiver.

Je vais essayer de poser ma journée, en image, uniquement. je n'y arriverai pas, je le sais. Ne pourrai pas m'empécher. De dire, glisser des mots entres les images. Voici les traces imagées de ma journée. La première couche a séché, deux jours, une nuit. Le bois a bu, là ou les flots l'avait usé, là où rien ne le protégeait. Surprise dans l'atelier. Seuls les clous n'ont pas bu le vernis.



Je nettoie l'intérieur du canoë, lui aussi a besoin de vernis. Pendant un moment, j'ai cherché à lui donner un nom à ce canoë, j'ai lu la préface du Stevenson, "En canoë sur les rivières du Nord" chez Babel, un des bateaux se nommait "Cigarette". Dans "The Lady of Shallot" de Lord Alfred Tennyson, elle grave son nom sur la barque avant se laisser porter par les flots. Là, ce soir, pour moi la barque est clairement le corps flottant dans cette histoire, alors qu'elle, The Lady of Shallot, sortant de sa tour, est une figure de l'esprit, l'esprit enfermé tissant tapisseries à longueur de journées. La tour est un autre corps, sur une île, isolé... immobile.

Je reviens à mon canoë et à l'envie de le nommer. Mais c'est déjà fait. Ou presque. "L'hirondelle".
Voilà comment je vais l'appeler. Reprendre le nom sur la plaque en cuivre oxydé. Et d'un nom générique, le nom du produit, en faire une image unique. A la tombée du jour, par temps lours, l'hirondelle frôle et rase la surface des flots, haper en plein vol une goutte d'eau volée au miroir.


A quel point cette plaque n'a pas en moi provoqué l'émergence d'un autre référence? Je vernis ce canoë sur une hauteur, dans mon village d'enfance, surmplombant la plaine des flandres. Les Weppes. Weppes en ancien flamand signifierait l'Ouest. la dernière partie des flandres avant le butoir des collines de l'artois. La plaque porte elle un nom de lieu, Nogent-le-Perreux.
Flandres+ Hirondelle + Nogent = une chanson

Flandres=Godesvarvelde
Hirondelle= Hirondelle
Nogent= Faubourg

Mon tout: La voix de Raoul chantant "L'hirondelle des faubourgs".
Paroles et musique: Ferdinand-Louis Bénech, Ernest Dumont, 1912

"A l'hôpital c'est l'heure de la visite
Le médecin en chef passe devant les lits:
Le numéro treize, qu'est-ce qu'elle a cette petite?
C'est la blessée qu'on amena cette nuit
N'ayez pas peur, faut que je sonde vos blessures
Deux coups de couteau... près du coeur... y'a plus de sang!
Non, pas perdue... à votre âge on est dure
Seulement tout de même faut prévenir vos parents!
Mais la mourante alors a répondu:
Je suis toute seule depuis que maman n'est plus.

On m'appelle l'Hirondelle du Faubourg
Je ne suis qu'une pauvre fille d'amour
Née un jour de la saison printanière
D'une petite ouvrière
Comme les autres j'aurais peut-être bien tourné,
Si mon père au lieu de m'abandonner
Avait su protéger de son aile,
L'Hirondelle

Le docteur reprit: Vous portez une médaille
C'est un cadeau, sans doute, de votre amant?
Non c'est le souvenir de l'homme, du rien qui vaille
De l'homme sans coeur qui trompa ma maman!
Laissez moi lire: André, Marie-Thérèse
Mais je la reconnais cette médaille en argent
Et cette date: Avril quatre-vingt-treize!
Laissez-moi seul, je veux guérir cette enfant
Vous me regardez tous avec de grands yeux
C'est mon devoir de soigner les malheureux.

On l'appelle l'Hirondelle du Faubourg
Ce n'est qu'une pauvre fille d'amour
Née un jour de la saison printanière
D'une petite ouvrière
Comme les autres elle aurait bien tourné,
Si mon père au lieu de l'abandonner
Avait su protéger de son aile,
L'Hirondelle

Le numéro treize toujours quarante de fièvre
Oui... ça ne va pas comme je l'avais espéré
Je vois la vie s'échapper de ses lèvres
Et rien à faire... rien... pour l'en empêcher!
Je suis un savant, j'en ai guéri des femmes
Mais c'est celle-là que j'aurais voulu sauver.
La voilà qui passe... écoute retiens ton âme
Je suis ton père ma fille bien-aimée...
Je ne suis pas fou... je suis un malheureux
Vous mes élèves, écoutez... je le veux.

On l'appelait l'Hirondelle du Faubourg
C'était une pauvre fille d'amour
Née un jour de la saison printanière
D'une petite ouvrière
Comme les autres elle aurait bien tourné,
Si lâchement au lieu de l'abandonner
J'avais su protéger de mon aile,
L'Hirondelle."

Et moi je vernis l'Hirondelle trouvée dans une grnage d'Oxelaere, une "Hirondelle" héritée qui, depuis la mort du parent en question, n'a pas pris l'eau. D'après ce que j'ai compris...

Par contre le fait que Raoul de Godesvarvelde, à deux encablures de Oxelaere, a aussi chanté "Ma Tonkinoise" n'a pas de rapport direct, mais plutôt par devers moi, avec "L'hirondelle"... quoique...
Au départ "La petite tonkinoise" s'appelait "Le Navigatore"...

"Je ne suis pas un grand actore
Je suis navi, navi, navi, navigatore
Je connais bien l'Amérique
Aussi bien que l'Afrique
J'en connais bien d'autres encore
Mais de ces pays joyeux
C'est la France que j'aime le mieux. "

Même si on reste dans le fluvial vous le verrez avec la remouture du "Navigatore" en "Petite Tonkinoise", lisez les paroles et laissez vous couler dans le lit des mots et là, vous allez voir, la musique arrive...

"L'soir on cause d'un tas d'choses
Avant de se mettre au pieu
J'apprends la géographie
D'la Chine et d'la Mandchourie
Les frontières, les rivières
Le Fleuve Jaune et le Fleuve Bleu
Y a même l'Amour c'est curieux
Qu'arrose l'Empire du Milieu.

C'est moi qui suis sa petite
Son Anana, son Anana, son Anammite
Je suis vive, je suis charmante
Comme un p'tit z'oiseau qui chante
Il m'appelle sa p'tite bourgeoise
Sa Tonkiki, sa Tonkiki, sa Tonkinoise
D'autres lui font les doux yeux
Mais c'est moi qu'il aime le mieux."

La voix qui s'est glissée dans votre tête, ou tout au moins un certain rythme et une tonalité, était sans doute celle de Mistinguett ou plus probablement de Joséphine Baker, Raoul de Godesvarvelde ayant chanté la version masculine de la chanson...

"Pour qu'j'finisse mon service
Au Tonkin je suis parti
Ah! Quel beau pays mesdames !
C'est l'paradis des p'tites femmes
Elles sont belles et fidèles
Et j'suis dev'nu l'chéri
D'une p'tite femme du pays
Qui s'appelle Mélaoli.

(Refrain)
Je suis gobé d'une petite
C'est une Anna, c'est une Anna, une Annamite
Elle est vive elle est charmante
C'est comme un z'oiseau qui chante
Je l'appelle ma p'tite bourgeoise
Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoise
Y'en a d'autres qui m'font les doux yeux
Mais c'est elle que j'aime le mieux."

Tout une époque... Ce n'est que ce soir que je tombe sur la "cover" PATRIOTIQUE de cette chanson, ou "La petite tonkinoise", cède la place à...

«Quand ell' chante à sa manière
Taratata, taratata, taratatère
Ah que son refrain m'enchante
C'est comme un z-oiseau qui chante
Je l'appell' la Glorieuse
Ma p'tit' Mimi, ma p'tit' Mimi, ma mitrailleuse
Rosalie me fait les doux yeux
Mais c'est ell' que j'aim' le mieux.»

« Plein d'adresse
Je la graisse
Je l'astique et la polis
De sa culasse jolie
À sa p'tit' gueu-gueul' chérie
Puis habile
J'la défile
Et tendrement je luis dis
"Jusqu'au bout, restons unis
Pour le salut du pays.»

(Au refrain)
«Quand les Boches
Nous approchent
Nous commençons le concert
Après un bon démarrage
Nous précipitons le fauchage
Comm' des mouches
Je vous couche
Tous les soldats du kaiser
Le nez dans nos fils de fer
Ou les quatre fers en l'air.»

La boucle est bouclée. Je reviens à ma journée où attendant le séchage complet du nettoyage pour un nouveau passage de vernis sur mon pacifique vaisseau je suis parti me promener autour du village, une idée en tête. Et un projet d'installation sur ce territoire familier... Et ce n'est que ce soir que je viens de comprendre autrement une phrase griffonée il y a longtemps, mais à la source...

"Tant de libertés écrites, fils barbelés, sur le silence du paysage"

C'est la première fois que l'image de la guerre s'associe à cette phrase, là où jusqu'à maintenant je ne voyais que la notion de silence fauchée par l'ingérence volubile et criarde d'un bonheur individuel posé comme un cheveu dans la soupe au milieu de mon beau paysage slencieux...

Sauf que mon beau paysage silencieux, il ne l'est pas, ça suinte le barbelé jusque dans chaque germe de blé...




Sur c’te butt’là y’avait pas d’gigolettes Pas de marlous ni de beaux muscadins. Ah ! C’était loin du Moulin d’la Galette, Et de Panam’ qu’est le roi des pat’lins.
C’qu’elle en a bu du beau sang cette terre, Sang d’ouvriers et sang de paysans, Car les bandits qui sont cause des guerres
N’en meurent jamais, on n’tue qu’les innocents !

La Butt’ Rouge, c’est son nom, l’baptême s’fit un matin
Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.
Aujourd’hui y’a des vignes, il y pousse du raisin.
Qui boira ce vin là, boira l’sang des copains.

Sur c’te butt’là, on y r’fait des vendanges,
On y entend des cris et des chansons ;
Filles et gars doucement y échangent
Des mots d’amour qui donnent le frisson.
Peuvent-ils songer, dans leurs folles étreintes,
Qu’à cet endroit où s’échangent leurs baisers,
J’ai entendu la nuit monter des plaintes
Et j’y ai vu des gars au crâne brisé !

La Butt’ Rouge, c’est son nom, l’baptême s’fit un matin
Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.
Aujourd’hui y’a des vignes, il y pousse du raisin.
Mais moi j’y vois des croix portant l’nom des copains !"

Ca c'est du Monthéus. En tête à chaque fois, là-bas, sur place. A fromelles, en ce moment, ils déterrent les corps de 400 soldats morts durant la première guerre mondiale. Et à l'entrée du Musée de Fromelles, à côté des horaires d'ouvertures, une affiche pour s'engager dans la légion étrangère... La honte.

La propriétaire du champ, une agricultrice retraitée, a cédé son terrain, offert sa terre pour qu'une sépulture leur soit donnée. Elle souhaite "qu'il y ait de belles petites roses et que ce soit un beau parc, accessible à tout le monde".
Elle raconte: "Ca nous fait mal au coeur d'avoir travaillé sur des corps. On se disait toujours qu'il y avait quelquechose de spécial à cet endroit..."
"On y mettait des navets. Les feuilles étaient arc-en-ciel, avec parfois des racines d'un metre de long, certains navets avaient la forme d'un coeur. On ne les traitaient jamais, il n'y avait aucun ver et ils étaient d'un blanc superbe."

Entre le 19 et 20 juillet 1916, 2 000 Australiens sont morts là, 3 500 ont été blessés, 1500 brittaniques y ont été tués ou blessés.

Dépèche AFP du 24 avril 2009: "Le ministre australien des anciens combattants s'est rendu mercredi dans le nord de la France. A Fromelles, 10 km de Lille et 20 000 km de Sydney, le petit carré d'un vert tendre, enclos par une fine chaîne blanche, enferme un pan de la mémoire australienne. Là, en lisière d'un bois, quatre cents soldats alliés gisent pêle-mêle sous deux mètres de la lourde terre du Nord. Beaucoup avaient traversé la Terre entière pour se faire faucher à la mitrailleuse au sortir d'une tranchée, les 19 et 20 juillet 1916. Les Allemands avaient jeté les corps dans huit fosses communes. La dernière pelletée jetée, ils avaient méticuleusement consigné les faits dans un rapport, à son tour vite enfoui."

Des histoires de rapports, de traces, de frontières, là j'empiète sur un autre travail que je devrais taire ici... Mais lié à ma vision, je crois, du territoire et du paysage. En rapport. Etroit. Intime. Ma notion même de paysage, avec son histoire cachée sous la platitude de l'horizon, d'où rien ne dépasse de la ligne de pied sauf quelques croix posées, alignées, pleines et déliées, ma syntaxe se frotte au rythme des vers, les enjambements cherchent l'image d'un jambage inférieur impossible sauf en creusant tranché...

Je suis revenu à mon canoë, en traversant d'autres territoires, le jardin au cordeau de ma grand-mère, j'y ai fait un bouquet de gypsophiles et chardons bleus.
Du niveau zéro de l'écriture je n'ai rien inventé...

















J'ai verni la quille de l'Hirondelle. La plaque de cuivre oxydée vient d'éclore son histoire:

Georges Jean Seyler, charpentier, s'installe vers 1860 à Courbevoie, quai National, à l'angle de la rue Adelaïde près du pont. Constructeur d'embarcations de plaisance, il fait du gardiennage à sec et sur l'eau ainsi que de la location. Il possède également un débit de boisson tenu par son épouse et loue des chambres meublées. Il reçoit récompenses et médailles lors de l'exposition de 1889 ainsi que le grand prix de Paris en 1910.
Il a sept enfants: Charles (mort très jeune), Marie qui, demeurée célibataire, s'occupe des affaires de la maison, puis cinq garçons: Georges, Ernest (né en 1866), Eugène, Émile et Henri qui suivront ses traces.
Amateurs de voile, ils sont membres du cercle de voile d'Asnières où ils participent, notamment sur un bateau de type "océan", à de nombreuses régates entre 1885 et 1897. Leurs voiliers ont pour nom: Colibri, Lucifer, Rose.
Vers 1895, le canotage en Basse-Seine ne semble plus offrir de débouchés pour de nouveaux constructeurs. Aussi ses trois fils aînés, Georges, Ernest et Eugène, décident chacun leur tour de s'implanter sur la Marne entre Le Perreux et Joinville où l'activité se développe.
Georges Seyler père, décède vers 1915-1920 (?) Son épouse continuera la construction avec l'aide de ses deux plus jeunes fils, Émile et Henri demeurés à Courbevoie, signant les bateaux du nom de "Veuve Seyler".

L'ainé des fils, Georges, s'installe en 1897 au Perreux sur MArne (1 quai de l'Artois), au pied du viaduc de Nogent. Il signe ses bateaux "Georges Seyler Aîné". Ambitieux et énergique, son entreprise est florissante jusque vers 1960. Il construit Yoles, skiffs, canoës français et canadiens, voiliers, canots à moteurs, hors bord et runabout et expose régulièrement au salon nautique de Paris. A noter qu'en 1904, la première course de canot automobile organisée par l'international Sporting Club de Monaco fut remportée sur une coque Seyler du nom du "Trèfle à quatre" (moteur Richard Brasier). Dans les années 1925-1930, il possède un magasin d'exposition à Nice. Sur la Marne, vers 1920, il accoste trois confortables bateaux automobiles de 10-12 m avec lesquels il offre aux "touristes" des circuits de promenades autour des îles entre Le Perreux et Joinville.
Il épouse Joséphine qui lui donne une fille, Georgette, née en 1898, qui demeura célibataire.
A la mort de son père, vers 1940, Georgette continue les affaires avec l'aide de son chef d'atelier Monsieur Devillié. Dans les années 1960, les affaires ne sont plus aussi bonnes, leurs bateaux tout bois ne résistent pas à la concurrence des coques plastiques. En 1965, Georgette décède et l'entreprise disparaît.

L'hirondelle est bordée en Pin d'Oregon, avec une latte décorative en Acajou et une latte de carreau (la plus haute et large) en Red Cedar, membrures et pontets en Hêtre, le reste en Frêne, avec l'ébauche des pontets et hiloires, en Pin cintré à la vapeur.

mardi 7 juillet 2009

Point (mobile)




La pluie tapote, grosses gouttes timides, sur les tuiles du toit, grenier de la maison, ici à wazemmes. Neil Young improvise, sur un cd acheté, seconde main, il improvise sur les images de Dead Man... images évoquées dans ma tête, ici, grenier... j'envisage de l'embarquer, et l'écouter durant la descente, en canoë, voir ma réalité augmentée. D'images de films. De mots lus. William Blake & cie...

Hier j'ai mis une première couche de vernis, "Le Tonkinois", sur le canoë. Poncer, grain 280, léger. Nettoyer. Les fentes entres les lamelles disjointes par le temps absordent le liquide épais. La chaleur, en le séchant, comblera le vide. Pores génants. Agit-on comme ça, pour avancer? Glisser sur la surface des choses. Se couper.

"When I speak, I offend
Then I'm silent and passive and lose every friend"
Johnny Depp parle dans ma tête, de sa bouche sortent les mots de Blake, Wiliam Blake.

Une barque glisse sur la surface lisse de mon esprit. Elle est multiple. Sépia, elle porte William Blake ( l'homonyme du poéte anglais joué par Johnny Depp dans Dead Man). Colorée, à l'huile, elle porte The Lady of Shallot (poème de Lord Alfred Tennyson, repris sur des tableaux préraphaélites du XIX... poème que je vais embarquer, sur papier, pour l'apprendre, par coeur durant la descente, et brûler le papier une fois appris... mais je n'ai que peu de mémoire pour les longues tirades... "on each side the river lie, long fields of barley and of rye, that meet the sky and clothe the wold..." "I'm half sick of shadows" saith the Lady of Shallot... voilà les bribes que je porte en moi, celles accessibles et ordonnées, en mots posés, évocables...) La troisième barque est colorée elle aussi, mais potographique, porte des lettres, rouges, dans les douves du chateau d'Escquelbecq, cherchant à poser dans la vase ( mélange batard d'eau et de terre en suspension, ni solide comme la terre ferme, ni vraiment liquide comme l'eau... où je cherchais à ancrer mes lettres (comme dans ce texte de Thoreau qu'il faudrait que je retrouve... sur l'écriture du paysage...). La vase, seule, n'est pas porteuse, impossible ce jour-là de planter mes lettres comme dans la terre. Rest in peace. J'ai du refaire un ponton sous marin de palettes (peintre paysager), et le mot posé, mon pied rencontra un tesson oublié, dans la vase. Suttures. Avec le paysage. "Troncs sur l'horizon, couture du paysage" (Instantanés d'encre, 2002).

La pagaie vient d'un magasin d'accastillage reperé sur les bas-côté d'une route vers Pornic. J'ai noté l'origine des pagaies par une photo. Un arbre mort, sur la pointe Saint Gildas. Un soir. Mort mais parlant encore du vent, le courbant. Et moi à côté, passant. L'arbre ne s'en souvient plus, m'a-t-il remarqué? L'appareil m'a attrapé. Avec retardateur. 12 secondes. Programmé. Mais hésitant sur la mise au point. Mobile. Est-ce le sujet tenant pagaie qui est le sujet, ou l'arbre, à moins que ce ne soit le brin d'herbe au premier plan qui importe? Et qui importe quoi?
En moi.
Moi regardant... ça m'importe quoi?

La Pagaie est remontée avec moi, sur la rivière de goudron charriant les embarcations aux effluves de matières fossiles, végétaux jadis, vivants, il y a longtemps. On brûle le temps passé, les millions d'années coincée dans un baril, au coeur d'un bout de charbon...

La pagaie va pénétrer, entrer le liquide courant de la Scarpe, et s'appuyer sur les flots où personne ne marche sans sombrer. S'appuyer sur du mouvant. Sur l'autre coté, l'en dessous. Pour pousser le vaisseau, là-haut, à la surface de flots, celle que le vent ride en soufflant.





A mesure que le voyage avance, je me coupe des mots écrits. Il est des déplacements que l'on fait dans le langage. Porté par les mots. Les premiers vrais premiers pas dans le monde (mon corps se mouvant par la force des mots qu'il a produit) remontent à peut-être une vingtaine d'années. Une agrafeuse, une photocopieuse, un papier violet d'un roulet de pièces pour banquier en couverture: "Phrases Baumes Balles Boulets". Une dizaine d'aphorismes sur le silence... Une rencontre avec Boris Novak, poéte slovène qui, dans son coin, faisait de même. Un contact avec Ales Steger, "envoie lui ce que tu fais, on ne sait jamais..." Une invitation reçue, pour un festival de poésie européenne à la frontière slovène, dans les vignobles de Médana. Nourri, logé, blanchi au rouge pour avoir écrit une dizaine d'aphorismes. Le pouvoir de l'écrit. J'étais parti de Lille, avec sur mon panneau en carton, une dizaine de noms, de villes, mon trajet jusque Ljublana. Ce sont mes mots qui m'avaient invité là-bas, ce sont dautres mots au marqueur sur un carton qui m'ont amené là-bas. Quelqu'un se reconnaissait dans ce mot inscrit, cette ville où il allait, et s'arrêtait, m'emportait jusqu'à cette ville...

Je me souviens d'un aphorisme de Boris Novak:

"Le poéte est le jardinier du silence"

Et ma réponse...

Comment dans ce jardin du silence
ne pas agir autrement
qu'en laboureur
bruyant